L’émission qui fera péter l’audimat sur Arte sera présentée par un pâle sosie de Pascal Sevran, et passera à une heure de petite écoute (aux alentours de 1h30 du matin), parce qu’il n’y aura pas grande concurrence sur les autres chaînes. En revanche, bien que présenté par un sosie de Pascal Sevran, ce jeu n’aura rien à voir avec la chanson française, la seule raison pour laquelle l’animateur aura de faux airs de ce regretté Pascal est parce qu’il fera bien son boulot.
Le but de ce jeu télévisé est de faire gagner autant d’argent que « Qui veut gagner des millions ? » tout en étant dans son principe aussi ennuyeux que « Des chiffres et des lettres », et enfin, d’être, grâce à ses invités, tout aussi drôle que « Burger quizz » (afin de passer chaque jour dans le zapping de Canal+ pour que les téléspectateurs prennent connaissance de l’émission).
À noter : les blagues du présentateur seront écrites par Alain Chabat ; lorsque le présentateur officiel sera malade il sera remplacé pour l’occasion par Patrice Laffont (l’original, pas un sosie) ; Laurent Baffie, Charlotte Gainsbourg et le DJ David Vendetta ne seront jamais invités ; Whitney Houston interprétera chaque soir un tube de Charles Aznavour, en direct (et finalement l’émission aura quelque chose à voir avec la chanson française).
Le jeu sera un combat intellectuel sur des questions d’actualité, de santé, d’économie, d’art contemporain et de géopolitique. Le présentateur, sosie de Pascal Sevran, posera une question à Whitney Houston qui aura alors douze secondes pour y répondre. Suite à ce délai, si Whitney Houston répond à côté, ou bien si elle ne répond rien, un animateur sans emploi (du type Patrick Sabatier ou Philippe Risoli) viendra sur le plateau déguisé soit en rat des villes soit en rat des champs (afin d’éviter qu’on le reconnaisse). Son rôle sera de téléphoner à un citoyen français de France métropolitaine, au hasard, de lui demander de justifier de sa nationalité si un accent est perceptible dans sa voix, et après une brève présentation de demander à son correspondant de choisir un titre de Charles Aznavour qu’il souhaiterait entendre interprété par Whitney Houston. S’il choisit le titre préalablement défini par la production de l’émission il gagnera 8 000 € de tickets restaurant utilisables en un an.
C’est alors que pourront intervenir les candidats qui seront tous, d’une manière ou d’une autre, handicapés (moteur, mental, sentimental etc.). À l’aide de buzzers ils pourront répondre à la question à laquelle Whitney Houston n’a pas su donner de réponse correcte ou de réponse tout court. Pour les aider ils disposeront d’un choix de quatre réponses possibles. Parmi les cinq candidats sélectionnés, ce sera le dernier à buzzer qui pourra donner la réponse qu’il pense exacte et peut-être remporter la somme accumulée dans la cagnotte au fil des émissions (l’équivalent d’un budget d’un spectacle des Enfoirés s’ajoute à la cagnotte chaque nuit).
S’installe donc un jeu d’attente et de suspens entre les candidats qui doivent se retenir de buzzer s’ils veulent conserver une chance de gagner. C’est alors que le rôle du présentateur, sosie de Pascal Sevran, devient primordiale. Armé des blagues préalablement écrites par Alain Chabat, et de deux guests-star invitées pour faire un peu de promo, le trio se lance dans un jeu d’insultes et de moqueries gratuites envers le handicap de chacun des candidats (dans l’unique but de faire marrer le téléspectateur habitué à rire de la misère d’autrui par le biais de nombreuses émissions de « Télé-réalité » ; et de faire craquer l’un après l’autre les candidats sélectionnés).
Le jeu s’achève lorsque le dernier candidat buzze. Si ce candidat donne la bonne réponse à la question posée à Whitney Houston alors le présentateur mystère (celui déguisé en rat des villes ou en rat des champs) revient sur le plateau pour tirer à pile ou face si le candidat gagne, ou non, la cagnotte. Si en revanche il donne une mauvaise réponse le jeu s’arrête.
Ensuite Whitney Houston interprète la chanson sélectionnée par la production de l’émission et l’on découvre si le chanceux, réveillé aux alentours de 1h30 du matin, a choisi le bon titre de Charles Aznavour, ou pas.
Dans le cas où Whitney Houston donne la bonne réponse à la question qui lui est posée, le jeu s’achève directement, ne durant donc pas plus de cinq minutes. La cagnotte est alors reversée à un parti politique ayant peu d’influence médiatique.
Le tout est mené dans un décors des plus minimalistes et très lumineux, agencé par le meilleur décorateur engagé à l’époque par Georges Lucas pour le film THX 1138.
Petits, quand on nous demandait ce que faisait dans la vie notre grand-père nous pouvions répondre, non sans frimer un peu, qu’il avait présenté la météo à la télé. Bien qu’en réalité on ne se souvient pas réellement l’avoir déjà vu à l’œuvre, pensant même que son métier avait toujours été « la retraite ». Cependant on nous l’avait bien dit, Pépé avait travaillé à la météo et il était même passé à la télé. La télé, l’objet roi et troisième voix de la maison, le compagnon de tous les repas dont il était bien difficile de prendre le contrôle sur les journaux de 13h et 20h, sur le tour de France ou encore sur les émissions de Jacques Martin ou Michel Drucker. Mais nous, les petit-enfants, nous avions les ruses pour lui détourner ses programmes, et lui sans doute le cœur trop tendre à notre égard pour généralement nous laisser gagner à la fin.
Je suis un homme de soixante cinq ans, ma vie aurait été simple mais voilà, je suis une femme. Je ne suis pas sûre de l’avoir toujours été, je veux dire je ne suis pas sûre d’être née femme, seulement je le suis devenue, car c’était là en moi tel un cancer qui n’attendait qu’à se développer. Et il s’est développé, petit à petit, au fur et à mesure de ma vie. Et aujourd’hui je suis une femme. Pardon maman, pardon papa, vous n’êtes pas là pour le voir, mais je sais à quel point vous me haïriez aujourd’hui. Car même si je n’ai jamais rien fait ni dit qui aurait pu laisser imaginer à qui que ce soit que dans mon corps sommeille une telle ambiguïté, je le suis un point c’est tout, et il m’est impossible de le nier désormais. Pourtant je me rappelle bien avoir joué au soldat, pourtant je me rappelle bien m’être extasiée devant ma première voiture, je me rappelle bien avoir fait des remarques machos, avoir regardé sous les jupes des filles et plus tard même en soulever pour de bon. Je me rappelle de tout ça, je me rappelle avoir été un homme. Mais ça me parait si loin, comme si j’avais vécu une vie avant. Mais non j’en ai bien eu qu’une seule comme tout le monde, car je serais incapable de dire à quel moment j’ai cessé d’être un homme. Un jour je m’étais juré de ne plus jamais y penser, je m’étais dit « Raymond tu as des couilles tu es homme un point c’est tout ! ». J’avais décidé de tourner le dos à ces conneries, parce que tout simplement je ne voulais pas, je ne croyais pas que c’était possible, je croyais être un peu fou à m’attacher à une identité qui ne me ressemblait pas. Alors je me tournais le dos, je cherchais un autre chemin possible, celui de la normalité peut-être, celui qui m’éloignerait de tout ça. Mais j’avais beau regarder chaque direction je tournais en rond, chacune me ramenait là, devant ma glace le matin, un fond de barbe, je me donnais des claques. Maudit miroir je ne pouvais plus te voir, je t’ai brisé plus d’une fois, mais qu’importe je retrouvais toujours mon reflet quelque part, dans une vitrine, dans un caniveau, ou bien dans la Seine. Je me voyais, c’était bien moi.
Avant de battre ma femme je buvais. J’avais fini par arrêter parce qu’on n’avait plus les moyens, car tout ce qu’elle gagnait en faisant ses ménages je m’empressais de le dépenser en bouteilles d’alcools bas de gamme, en compagnie desquelles je pouvais cracher sur le monde en toute liberté. Je suis au chômage depuis quatorze ans, tous les chômeurs ne boivent pas mais moi oui. Je n’avais ni de collègues sur lesquels jaser, ni de patron à détester, j’avais juste mes bouteilles et ma femme qui m’aimait de tout son cœur et espérait à tout prix que je trouve enfin un boulot pour qu’on puisse élever un môme. Si elle en avait voulu deux comme tout le monde ça aurait simplifié les choses. J’aurais pu continuer à ne pas travailler, les allocs se seraient occupées du reste. Moi je ne voulais pas d’enfant de toute manière. Alors je n’ai pas cherché de travail et j’ai arrêté de boire ; puis j’ai commencé à frapper ma femme. La première fois juste une gifle, parce qu’elle m’avait traité de fainéant, et comme c’est la vérité, et que ce n’est pas la société qui est responsable de ma situation comme je le dis toujours quand je suis saoul ; et bien je l’ai giflée. J’étais à jeun, je savais qu’elle avait raison, que je suis un fainéant, mais je ne voulais pas le savoir, je ne voulais pas qu’on me le dise, je voulais que le monde continue de s’apitoyer sur mon sort. Alors c’est parti, il n’y avait pas d’autre réponse envisageable. Puis elle s’est excusée.
J’ai dix ans, je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai dix ans. Ce matin je me suis réveillé les cheveux en pétard, la maîtresse avait envahi mes rêves qui s’étaient alors transformés en cauchemars. J’étais en retard pour aller à l’école car maman avait oublié de me réveiller. Hier, je n’ai pas fait mes devoirs parce que les copains sont passés me chercher pour aller jouer au foot. Je suis rentré après l’heure autorisée, alors papa m’a grondé et j’ai dû aller me coucher sans même avoir le droit de manger. Je vais encore me faire punir. Tant pis ! Je ferai un truc vite fait dans le bus, pour faire croire quand même que j’ai un peu travaillé, parce que ça fait déjà trois fois ce mois-ci que mon chien a mangé mon cahier.
À vu d’oeil cette cellule faisait à peu près deux mètres de large sur deux mètres de long sur deux mètres de haut. Compressé, j’étais compressé. Paraîtrait que je l’aurais mérité. Criminel de haut niveau, qu’avais-je à dire pour ma défense ? Que je regrettais, que c’étaient des accidents, que je m’excusais, que j’aurais pu éviter tous ces meurtres, que pour les familles au moins je faisais preuve de compassion ? N’y comptez pas. Ces paroles d’avocat n’ont pas été les miennes. Je ne regrette rien, ce n’étaient pas des accidents, je ne m’excuserai pas car si je les ai tué c’est simplement qu’ils étaient là devant moi et que je devais passer, alors c’est tant pis pour eux, tant pis pour leur famille. Désolé mesdames et messieurs mais je ne me repentirai pas, car je crois au fond que si je faisais ce métier c’était bien pour qu’un jour on m’attrape, que tout le monde voit mon visage, voit à quel point je vous ressemble, que tout le monde se dise enfin « ça y est on l’a eu cet enfoiré ! », que tout le monde sache que tout ça c’était moi. Parce que je n’ai rien caché, même ce dont ils ne se doutaient pas je l’ai avoué, parce que de toute façon j’aurais fini ma vie au trou, dans ce cube rouge, cube par sa forme, rouge car de haute sécurité. Je suis un dealer, je suis un braqueur, je suis un assassin, un tueur à gage, sans le prévoir je fus même une fois un violeur, dans vos bouches je suis une pourriture, un salaud, une ordure, de si petites insultes parce que vous ne trouvez pas vos mots, parce que je n’ai pas de nom, je n’ai pas de raison d’exister. Mais sachez juste que je ne suis pas moins que vous.
Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eut su voir : sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le Petit Chaperon rouge.
Un jour de bon matin j’ai tiré une balle, elle est partie pour toujours. Sept heures, le bras tendu, le flingue dans la main et l’autre poing serré. Mes yeux grands ouverts.